Poursuivons notre série «les ados parlent aux vieux» : après le très basique mmghnhgggggnaaaaanhnnn étudié la semaine dernière, intéressons-nous à une locution cette fois - certes - articulée, mais - hélas - tout aussi absconse : tu gères la fougère.
Dans un environnement qui fait de nos jours la part belle au développement durable et autre sacerdoce écologique, je me suis demandé, lorsque j’ai entendu mes ados utiliser cette expression à tout va, pourquoi l’un et l’autre s’appliquaient ainsi à congratuler de façon récurrente un végétal résolument absent de notre entourage immédiat (le rebord de la fenêtre de notre cuisine tient plus du désert de Gobi que du Jardin des Plantes…). Incapable de trouver en moi-même une seule explication logique, je me suis risquée à la question qui tue :
- dites donc les enfants, c’est quoi cette histoire de fougère ?
Et là, j'ai lu dans leur regard : «tant d’ignorance, si c’est pas d’la pitié…». Mais j'ai tenu bon, insisté, et fini par obtenir une explication. Ta-daaaaaaaaaaaa, la voilà :
Tu gères la fougère souligne une action réalisée avec panache ou dextérité («je me suis tapé Phèdre de Racine en 20 minutes, j’ai carrément géré la fougère») ou, au contraire, un échec fumant («en vomissant pendant la teuf de Gabriel, Lucien n’a pas géré la fougère»).
Après réflexion, je trouve cette expression assez poétique. Testons-la en situation :
- Honnêtement monsieur le percepteur, en m’infligeant une pénalité de retard de 10%, vous pensez gérer la fougère ?
- Si j'en crois la lèvre supérieure de Nadia, son chirurgien n’a absolument pas géré la fougère au niveau de la quantité de Botox.
… Ça marche ! Et puis ça donne un petit côté sympa au discours (et surtout aux vacheries). Parents francophones*, faites comme moi, adoptez la fougère ! Pour une fois que c’est nous qui piquons quelque chose à nos ados**…
* ce n’est pas que je veuille exclure à priori les parents anglophones, mais bon, reconnaissez que «you manage the fern», ça ne le fait pas.
Effectivement mes ados connaissent et m'ont donné l'explication d'un air attristé devant tant d'ignorance.
RépondreSupprimermouhahahaha :))) Ce n'est pas arrivé jusqu'à chez moi. C'est peut être spécifique à Paris ? ou au Nord Loire ? Ici c'est gaaaaavé le mot qui revient tout le temps. C'est gavé bien (comprendre c'est très très très très très bien) ou gavé grave !
RépondreSupprimer@Annika : tous les mêmes !
RépondreSupprimer@Papilles : gavé bien, ça me plaît bien ! Si tu le sens, tu viens nous écrire un post là-dessus quand tu veux !
En banlieu nord ou la fougère prospère dans les bois et les jardins point de fougère linguistique, je surveille l'apparition et je te tiens au courant. Tu devrais faire une carte de France de l'expression avec date d'apparition.
RépondreSupprimerL'expression est arrivée jusqu'à la maison via des ados en provenance de Sceau et de Paris mais n'est pas encore en roue libre ni au lycée ni au collège. ET il y a une suite qui vaut aussi son pesant de cacahouète : "Je gère les fougère et j'assure des chaussures" Je te laisse nous trouver l'origine de la suite mais il y a du Me placard dans l'air.
RépondreSupprimerUne expression très fleurie qui émaille les propos quotidiens des djeun's et permet de briller à peu de frais dans le cercle très fermé des adulescents!
RépondreSupprimerSigné : un (ex)adulescent
@Maxime : bienvenue !
RépondreSupprimerParfaite définition de la gestion de fougère. Bravo!
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